Le site netonymy qui a pour but de réaliser des tests détaillés de pages persos a inséré dans son étude de mon site une intéressante critique (à lire sur http://perso.wanadoo.fr/netonymy/reponpsy.htm) de mon dossier "Psychanalyse".
Voici ma réponse.
Cher monsieur.
Vous commencez votre propos en disant : " prétendre que la psychanalyse n'est pas une thérapeutique est inacceptable "... "pire qu'un crime, c'est une faute ". Permettez-moi d’attendre un peu pour implorer mon pardon.
Examinons plutôt d’abord vos arguments.
Vous affirmez tout d’abord que mon "raisonnement repose sur un socle : la vérité scientifique est la seule vérité ".
Il n’y a pas de vérités scientifiques décrétées. La science repose non sur un socle mais sur une méthode, que je décompose volontiers en quatre étapes : constatation ou hypothèse / déduction - élaboration d’une théorie / expérimentation / validation (ou infirmation). La psychanalyse en est restée aux deux premières étapes. Elle a toujours refusé la troisième et donc jamais accédé à la validation. Vous admettez la science comme outil face au paranormal et aux médecines parallèles, mais si elle s’applique à la psychanalyse vous la taxez de scientisme. Pourquoi ? Celle-ci est-elle à ce point sacrée qu’elle échappe à l’examen ?
D’accord avec Einstein pour dire : " C'est la théorie qui d'abord décide de ce qui est observable "(étape 2 et 3), mais c’est ensuite l’observation qui décide d’une vérité scientifique, souvent partielle et toujours remise en cause. La relativité a été énoncée plusieurs années avant d’être vérifiée par ses conséquences et c’est alors seulement qu’elle a cessé d’être contestée. La psychanalyse n’a pratiquement pas progressé depuis son élaboration et l’accroissement des connaissances en psychologie amène chaque jour des éléments qui l’infirme. Vous contestez l’interprétation des expériences que je cite à ce sujet, comme vous contestez les travaux de Malinovski. L’oncle serait le père symbolique et la sœur la mère symbolique... Vous n’êtes pas sans savoir que grâce au tour de "passe - passe " de l’objet symbolique, on explique tout, on justifie tout... Tout et son contraire, si le besoin s’en fait sentir !
Je suis ravi d’apprendre de la bouche d’Elisabeth Roudinesco que "les psychotropes sont nécessaires ". Allons, le temps des camisoles chimiques est enfin passé ! Cette talentueuse psychanalyste est touchante dans sa volonté de sauver à tout prix ce qui peut encore l’être et d’empêcher la psychanalyse de glisser dans les poubelles de l’histoire. Il faut dire qu’elle a pour cela porte ouverte chez tous les journalistes de la génération "psy " qui sont encore légion dans les rédactions.
Vous ne vous dites pas convaincu que les psychiatres "abandonnent l'usage de la cure analytique ". Indépendamment de ce que je constate, mais qui ne saurait, j’en conviens, être généralisé, je me base sur le fait qu’il y a 30 ans, les internes qui sortaient de psychiatrie avaient presque tous fait une analyse ou en entamaient une. C’était presque obligatoire. Aujourd’hui, ceux qui se tournent vers la psychanalyse font plutôt figure d’attardés. Lorsque certains praticiens seront partis en retraite, il faudra chercher longtemps pour trouver un psychiatre - psychanalyste. J’avoue pourtant que sur ce point je n’ai pu présenter d’études chiffrées et cela m’a posé problème. C’est pourquoi, sur cette phrase précisément, j’ai obtenu confirmation du Dr Jean-Jacques Aulas, psychiatre lui-même, dont vous connaissez sûrement les ouvrages. Je pense que nous pouvons lui faire confiance.
J’ajoute que la psychanalyse n’a pas, dans le monde d’aujourd’hui, la place que le système médiatique lui accorde en France. Jacques van Rillaer ancien psychanalyste "déconverti " et dont je cite souvent les ouvrages en référence me signalait voici quelque temps que lorsqu'on consulte PsycLIT, le répertoire informatisé des publications psychologiques de niveau universitaire (1300 périodiques), tenu à jour par l'Association Américaine de Psychologie, on constate que les titres en psychanalyse ne représentent que 2,6 % de l’ensemble des publications de psychologie. C’est cela la vrai place de la psychanalyse et cela c’est une réalité, pas une conviction. Quant à critiquer les méthodes et les outils de la psychiatrie biologique, ils sont certes imparfaits et difficiles à mettre en œuvre, mais cela ne valide pas pour autant la psychanalyse.
Dans votre dernier paragraphe, vous affirmez une position que je pense pouvoir résumer ainsi sans vous trahir : d’accord pour les médicaments en cas d’urgence et pour les psychothérapies scientifiques dans certains troubles localisés (phobies, anxiété...) mais les uns comme les autres laissent "la question de fond en suspens ".
Ces affirmations ont été si inlassablement répétées par les partisans de la psychanalyse qu’elles continuent d’être présentées, en toute bonne foi, comme des évidences incontournables. Or, elles ne reposent sur rien. Aucune étude n’a jamais été présentée à l’appui de ces prétentions. Bien au contraire. Si elles avaient la moindre réalité, les traitements médicamenteux ou cognitifs ne seraient que "cautère sur une jambe de bois " et les problèmes posés resurgiraient au bout de quelque temps. On sait depuis les travaux d’Eysenck (1) qu’il n’en est rien et les succès durables enregistrés par les diverses psychothérapies non-psychanalytiques en apportent chaque jour confirmation. D’ailleurs, la manière dont s’expriment actuellement les psychanalystes les plus lucides, montre que nous n’en sommes plus là. Le problème actuel de la psychanalyse est d’assurer sa survie, de faire en sorte qu’on lui laisse une place dans la gamme variée des prises en charge de la maladie mentale. Or, cette place, rien ne la justifie. Pourquoi faudrait-il pérenniser cette technique onéreuse, lente et pénible alors que d'autres méthodes obtiennent d’aussi bons, sinon de meilleurs résultats. D'autant que la psychanalyse est loin, comme elle le prétend, d'être dénuée d'effets secondaires. Certes, pas de bouche sèche ni de pertes d'équilibre, mais que de familles brisées ou largement perturbées et que de couples inutilement désunis. Pis encore, tout semble indiquer à l’heure actuelle que l'approche psychanalytique est néfaste. Lors d'un récent débat (lire:"La psychanalyse a-t-elle fait son temps" dans le même dossier) Joëlle Proust (philosophe, directeur de recherches au CNRS), attirait l'attention sur les travaux de Marc Jeannerod qui suggèrent que "la différence de niveau entre l'interprétation psychanalytique et l'interprétation cognitive, c'est que cette dernière n'implique pas du tout le sujet, son histoire, elle implique seulement... ce petit mécanisme de "copie d'efférence ", lui-même contrôlé par un circuit neuronal dopaminergique " et elle indiquait : " On voit bien comment, finalement, on peut manipuler les patients en se plaçant dans cette position imaginaire dont vous parlez, en ne se situant pas au niveau rationnel avec le patient, qui me paraît être le seul niveau qui pourrait lui être profitable ".
Lors de cet intéressant débat, Pierre Férida, un psychanalyste heureusement dénué de l’habituelle langue de bois, fut incapable d’opposer à son interlocutrice un argument tant soit peu pertinent et justifié. Si bien que, acculé "dans les cordes ", il conclut en disant: " si l'on sort du freudisme, sort-on pour autant de la psychanalyse ? ... rien n'exclut que demain quelqu'un travaillant dans le champ des sciences neurocognitives revendique la qualification de " psychanalyste " ". Je doute que les neurocognitivistes soient ravis de l'honneur qu'il leur est ainsi proposé. En clair, il admet implicitement que le freudisme est inadapté et propose de sauver les psychanalystes en faisant un rapt sur les sciences neurocognitives. Heureusement, dans un sursaut de lucidité, il conclut par ces mots : " Mais on en arrive, là, à l'absurde ". On ne saurait mieux dire.
Comment conclure ? Que vous m'avez fait part de vos convictions, éminemment respectables, mais que rien dans vos arguments ne me porte à croire que j'ai commis la moindre "faute ". Je ne nie pas l’expérience individuelle et j’admets que l’analyse peut être pour certains porteuse d’épanouissement personnel, mais ce n’est pas généralisable. On m’a cité le cas d’une personne pour qui le séjour dans une secte a été un facteur d’équilibre et il ne manque pas d’exemples de gens perturbés qui trouvent la paix chez les Trappistes. Est-ce une raison pour considérer les organisations sectaires comme des établissements de soins ou pour prescrire le monastère sur ordonnance ?
Je vous remercie sincèrement de l'intérêt, qu’au-delà de nos divergences, vous portez à mon combat. J’espère que cet échange sera l'occasion d'une réflexion qui vous amènera, un jour plus ou moins lointain, à mes cotés.Cordialement.
Jean Brissonnet.