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Les pseudo-médecines

Lutter contre la desinformation en matière de science et presenter la réalité des principales medecines non conventionnelles

 

Ce texte est celui d’une intervention présentée, le 1er décembre 2007 à Bordeaux, lors du colloque « La douleur et ses singularités »  de la 17ème journée du  Groupe Aquitaine Douleur.

 

Il est impossible de parler de l’effet antalgique de l’homéopathie sans se pencher d’abord sur les bases de cette discipline.

Les bases de l’homéopathie

L’homéopathie repose sur des bases que l’on peut regrouper en trois grands principes : le principe de « similitude », le principe de « dilution – succussion » et le principe de « personnalisation ».

La personnalisation

Commençons par ce principe auquel nul ne saurait redire, à priori. Il signifie que toute thérapeutique doit être adaptée au malade et qu’il n’y a donc pas de traitement standard applicable à tous ceux qui sont victime de la même pathologie. Le seul problème réside dans sa mise en oeuvre.

Pour la médecine conventionnelle, personnaliser revient à adapter le traitement en fonction des réactions du malade, des résultats cliniques constatés ou de l’évolution de la maladie. C’est un retour d’expérience qui tend à affiner la posologie ou le type de soin aux résultats obtenus.

Pour l’homéopathe, il s’agit au contraire de choisir — à priori — le traitement en fonction de la personnalité du patient, car l’homéopathie ne traite pas la maladie, elle agit sur le « terrain » du malade. C’est à partir d’un interrogatoire que l’homéopathe déterminera le « tempérament » du patient et la prescription qui s’en suivra. La guérison est donnée de surcroît.

La similitude

Le principe de similitude, qui est le socle sur lequel repose l’homéopathie, a été énoncé par Samuel Hahnemann en  1798 et se traduit par la formule « Similia similibus curentur », les semblables sont guéris pas les semblables.

Cette règle a été établie par généralisation à partir d’une unique observation. 

Hahnemann, qui avait préalablement abandonné la médecine en constatant, à l’époque, son inefficacité, apprend un jour qu’une décoction d’écorce de quinquina est susceptible de guérir le paludisme. On comprendra, en 1820, que c’est grâce à une substance active, la quinine. Hahnemann a alors l’idée d’absorber ce remède et il ressent alors un ensemble de symptômes qu’il juge identiques à ceux du paludisme : sensation de fièvre, frissons, sueurs, troubles digestifs… Il en déduit, par généralisation, la règle de base de l’homéopathie : « tout produit capable de provoquer chez un homme sain les symptômes d’une maladie est capable de la guérir ».

Ce que l’on peut dire à ce sujet est qu’il s’agit là, pour le moins, d’une généralisation hâtive et que ce principe ne semble pas, à l’heure actuelle, confirmé dans la pratique quotidienne. Lorsqu’on traite par la spiramicine les sujets ayant été en contact avec un malade atteints de méningite, on ne constate pas que ceux-ci ressentent les symptômes de la maladie.

Ceci ne suffit évidemment pas à rejeter l’homéopathie.

Suite à sa trouvaille, Hahnemann teste ou fait tester par ses disciples tous les produits possibles et imaginables. Des végétaux, bien sûr, toujours mis en avant par les homéopathes — ce qui amène souvent le public à confondre homéopathie et phytothérapie — mais aussi des animaux (abeilles, chenilles processionnaires, puces de chats et de chien etc.) et des minéraux (arsenic, mercure etc.).

L’ingestion de ces produits se révélant souvent toxique, Hahnemann va décider de diluer les solutions mères, mais en postulant, contre toute logique, que cela ne porte nullement atteinte à leur efficacité. Au contraire puisque les homéopathes considèrent que « plus c’est dilué, plus c’est actif ».

La dilution.

En homéopathie on procède à des dilutions successives au centième (les centésimales hahnemanniennes ou CH). Pour cela on dilue une partie de teinture mère dans 99 parties de solvant et on agite pour obtenir la dilution 1CH. On prélève une partie de la solution obtenue qu’on dilue à nouveau dans les mêmes conditions pour obtenir 2CH et ainsi de suite.

Cette méthode ne permet pas de se faire une représentation exacte de l'importance des dilutions mises en oeuvre.

Pour ce faire, calculons dans quel volume de solvant il faudrait diluer, en une seule fois, une seule goutte de teinture mère de 0,05 ml. Pour obtenir 1,2,3 et 4CH, il faudrait respectivement 5 ml, 500 ml, 50 l, et 5000 l. C’est déjà beaucoup, mais pour 5CH il faudrait 500 000 l soit le volume approximatif d'une piscine olympique de 25 mètres à quatre couloirs. Un calcul analogue montre que pour 12 CH, cela représente le volume d'un cube dont l'arrête est égale à la distance entre Bordeaux et Narbonne et que pour 30 CH l'arrête de ce même cube serait égale à 2,5 millions de fois la distance de la Terre au Soleil.

Force est de constater qu'on est en face de dilutions invraisemblables et que la probabilité de présence d'une seule molécule de la solution initiale dans le tube qui est commercialisé est voisine de zéro. Par contre, on y trouvera, sans nul doute, en bien plus grande quantité, les traces des différents contaminants (silice du verre, gaz dissous dans l'air ambiant etc.) rencontrés en cours de fabrication

Cette contradiction est admise par les homéopathes, qui ont tenté de la contourner en déclarant que c'est le fait d'agiter entre chaque dilution (la succussion) qui permet au solvant de garder la trace du produit initial. Des tentatives de mise en évidence de ce phénomène ont été faites, en particulier par le professeur Benveniste avec la fameuse théorie de la mémoire de l'eau. Aucune n'a été concluante.

En résumé, on se trouve devant une action sans molécule, ce qui est strictement incompatible avec les bases des sciences physico-chimiques.

Et pourtant, il arrive que les théories les plus invraisemblables se révèlent un jour exactes et c'est pourquoi il faut se ramener à l'essentiel, c'est-à-dire à savoir si l'homéopathie a réellement des effets cliniques.

Les preuves cliniques.

Notion d'efficacité.

Il importe de bien définir tout d'abord ce qu'on entend par efficacité thérapeutique.

Au sens commun, la preuve d'efficacité est basée sur le récit, la constatation, la relation de cas. Cette conception a été mise en cause pour la première fois lorsque Claude Bernard a publié en 1865 un ouvrage intitulé : « Introduction à l'étude de la médecine expérimentale » et qu'il a indiqué qu'il ne suffisait pas qu'une action thérapeutique soit suivie de guérison pour être validée, mais qu'il fallait encore que l'absence de cette même action thérapeutique soit suivie d'une absence de guérison. C'est ce qu'il a appelé la contre-épreuve.

À compter de cette date et tout au long du XXe siècle a été progressivement mis en place une méthodologie nommée étude clinique contrôlée (ECC) qui est maintenant la seule à constituer une preuve objective d'efficacité.

Une ECC doit comprendre un groupe de contrôle recevant un placebo ou un traitement de référence. Les groupes doivent être homogènes et constitués au hasard. L'étude doit faire l'objet d'un sérieux traitement statistique et être publiée dans des journaux à comités de lecture indépendants. Enfin, il faut s'assurer que les résultats obtenus peuvent être reproduits par d'autres équipes.

Les grandes dates

L’histoire des essais cliniques de l'homéopathie peut être résumée par quatre grandes dates qui s'échelonnent entre 1988 et 2005.

- En 1988 est publiée dans The Lancet une étude initiée à la demande de la ministre de la santé de l’époque Georgina Dufoix. Elle est réalisée selon une méthodologie parfaite sur 600 patients répartis entre 12 hôpitaux. Le thème de l'étude a été choisi par les homéopathes, qui ont déjà publié sur le même sujet des études réputées positives. Il s'agit de tester l'action d'opium et raphanus sur le rétablissement du transit intestinal après une opération intra abdominale. En fait les résultats de l'étude « ne montrent aucun différence qui permette de conclure à l’efficacité des ces produits… ni même à un effet placebo ». Cette étude donne un coup d'arrêt provisoire à la tentative d'introduction de l'homéopathie dans les milieux hospitaliers et universitaires.

- En 1997 parait toujours dans The Lancet une méta analyse [1] qui s'interroge sur le fait de savoir si les effets cliniques de l'homéopathie sont ou non des effets placebo. Elle fut considérée comme un succès par les homéopathes car on peut lire dans la conclusion «Les résultats de notre méta-analyse ne sont pas compatibles avec l’hypothèse que les effets cliniques de l’homéopathie sont complètement dus au placebo ». Ceux qui firent état de ce succès oublièrent de citer la suite de la conclusion qui indique « Cependant, les résultats de ces études sont insuffisants pour retenir l’efficacité certaine d’un seul traitement homéopathique quelle que soit la situation clinique envisagée. […]. De plus, nous ne pouvons formellement exclure que des biais expliquent ces résultats ». On peut même lire dans la discussion qui suit l’article «…nous n’avons retrouvé que peu de preuves de l’efficacité isolée d’un médicament homéopathique donné dans une situation clinique déterminée ». Une analyse approfondie de cette étude par le journal Prescrire montre qu'en fait on a amalgamé des études de qualité fort différente, dont certaines sont fort médiocres, ce qui amène plutôt à se poser la question de l'intérêt de pareilles méta-analyses.

- Deux ans plus tard, en 1999, cette critique se trouve confirmée lorsque parait une autre méta-analyse [2] qui s'intéresse cette fois à l'impact de la qualité sur les études contrôlées d'homéopathie et qui, après avoir analysé 89 ECC , conclue « De l’analyse de l’ensemble des études nous tirons la preuve indiscutable que les études qui présentent la meilleure qualité méthodologique fournissent les résultats les moins positifs ». Plus l’étude est médiocre plus elle est favorable à l’homéopathie.

- En 2005 enfin, est publié une étude [3] qui compare cette fois 110 ECC d’homéopathie avec 110 études équivalentes de médecine conventionnelle. Elle conclue «…Des biais sont présents dans les essais contre placebo, à la fois pour les traitements homéopathiques et pour ceux de la médecine conventionnelle. Lorsque l’étude prend en compte ces biais, il ne reste que peu de signes d’un effet spécifique des remèdes homéopathiques. Ce résultat est cohérent avec l’idée que les effets cliniques de l’homéopathie sont ceux d’un placebo ». L’éditorial du Lancet, qui accompagne la publication de cette étude, est particulièrement violent puisqu’on peut y lire : « L’heure n'est plus aux études ponctuelles aux rapports biaisés ou à la poursuite de recherches pour perpétuer le débat... » «  Les médecins doivent faire preuve d'audace et être honnête avec leurs patients sur le manque d’effets de l'homéopathie ».

Les études récentes sur la douleur.

Reste à savoir si entre 2005 et 2007 n’ont pas été publiées des études qui apportent des faits nouveaux, au moins dans le domaine de la douleur.

En consultant les bases de données sur cette période on relève 36 études d’homéopathie ayant rapport avec la douleur. Après élimination des essais de qualité médiocre publiés dans des journaux de complaisance (homeopathy, BMC Complement Altern Med…), de ceux qui concernent la médecine vétérinaire et des publications de nature plutôt sociologique, restent deux méta-analyses acceptables. La première étudie l'effet de l'homéopathie sur les soins liés au cancer [4] et elle conclut  « Notre analyse de la littérature éditée sur l'homéopathie a montré une preuve insuffisante pour soutenir l'efficacité clinique de la thérapie homéopathique dans les soins du cancer ». La seconde s'intéresse aux soins des enfants et des adolescents [5] et, après avoir identifié 326 articles et n’en avoir retenu que 91  elle conclue « La preuve provenant d’essais cliniques rigoureux testant l’homéopathie en thérapeutique ou en préventif pour les maux de l’enfant et de l’adolescent n’est pas assez convaincante pour la recommander en aucun cas  ».

Syllogisme ou paralogisme.

En résumé, après une improbabilité théorique, l'homéopathie ne présente donc aucune preuve convaincante d'efficacité clinique.

Le débat n'est pourtant pas clos pour autant, car ses partisans, face à cette absence de preuves, présentent souvent un argument en forme de syllogisme : l’homéopathie n’a pas d’action supérieure à celle du placebo, le placebo est actif dans le traitement de la douleur, donc l’homéopathie peut être utilisée dans le traitement de la douleur.

Ce qui nous amène à nous intéresser de plus prêt à ce fameux effet placebo.

Coup d’œil sur l’effet placebo

 Bien qu'elle soit très ancienne, la notion d'effet placebo a pris toute son ampleur avec le développement des études cliniques contrôlées.

Une première tentative de quantification de cet effet est faite par HK Beecher qui en 1955 publie une méta-analyse [6] portant sur 15 articles et comprenant 1082 patients. Il conclut que l'effet placebo est de 32 % en moyenne, toutes pathologies confondues. Une seconde méta-analyse [7] publiée deux ans plus tard confirme ce résultat et fournit une moyenne de 30 %, mais elle montre que les résultats sont très divers selon les maladies étudiées et elle donne pour la douleur un résultat très variable allant de 15 à 60 %.

De ces deux études résulte le fameux 30 % qui est encore souvent avancé lorsqu'on invoque cet effet.

En réalité, dans les années qui suivent, on prend rapidement conscience que ces études font en réalité une erreur, qui prendra d'ailleurs dans la littérature le nom d’erreur de Beecher. En fait les auteurs de ces études attribuent à l'effet placebo le résultat obtenu par le groupe placebo dans les études cliniques contrôlées. Or, beaucoup de malades guérissent spontanément et de nombreuses douleurs disparaissent naturellement, si on prend soin d'attendre. Si ce n'était pas le cas, l'espèce humaine aurait depuis bien longtemps disparu de la surface de la Terre.

On en vient donc à se demander si ce fameux effet placebo existe réellement.

En 2001 est publiée une étude [8] qui pose la question de savoir si le placebo est sans effet. Pour y répondre les auteurs comparent 114 études dans laquelle apparaît un groupe placebo et un groupe « à évolution naturelle » et, à la stupeur générale, ils concluent «Nous avons trouvé peu de preuves, en général, que les placebos aient eu des effets cliniques puissants […] En dehors de la mise en place d'études cliniques, il n'y a aucune justification pour l'usage des placebos ».

Le résultat de cette étude est alors très controversé, mais il amène à des débats aussi intéressants que fructueux. On constate en effet que les groupes dits « à évolution naturelle » n'ont pas été abandonnés à eux-mêmes. Les patients savent qu'ils font partie d'une étude clinique contrôlée, ils sont régulièrement suivis, évalués et ils sont l'objet de l'attention des médecins. Ceci amène à comprendre qu'en fait, il ne faut pas assimiler « l'objet placebo » avec « l'effet placebo », et que les groupes étudiés sont en fait deux groupes placebo. Ce qui explique leur résultat identique.

Tout ceci amène à conclure avec François Boureau et Christian Guy Coichard [9] que « Il est inutile de recourir à un placebo pour induire un effet placebo » et que «l’effet placebo n’est pas propre au placebo » .L’effet placebo est dû à des effets non spécifiques, dans lesquels interviennent, l'aspect du traitement (est-il fait en piqûre, en gélules, etc.... », la personnalité du malade (est-il craintif, fataliste, etc.... », « l’effet médecin » (celui-ci est-il froid, rigide, empathique, etc.... » et l’environnement des soins (sont-ils donnés dans un cadre hospitalier, en institution, à domicile... ».

Et l'homéopathie finalement ?

Pour toutes les raisons qui précèdent on voit qu’il n'y a pas lieu de prescrire de l'homéopathie, d’autant plus que la répétition d’un traitement sans efficacité crée un conditionnement défavorable au soulagement, que la relation médecin-patient sera définitivement altérée si le malade apprend qu’il a été trompeusement traité par un placebo [10], que la croyance en l’homéopathie détourne les patients des techniques médicales modernes au profit d’une idéologie datant du XVIIIéme siècle et qu’elle enclenche une démarche d’irrationalité qui peut mener loin [11].

L’effet placebo est le complément naturel, mais immatériel, de la médecine basée sur les preuves. Comme l’écrivent les auteurs cités précédemment : « Dans tous les cas on se souviendra que la meilleure façon de produire un effet placebo est de l’associer à un traitement réellement efficace ».

On comprend facilement que dans ce cadre l’homéopathie n’a pas sa place.


[1] The Lancet «Are the clinical effets of homeopathy placebo effects »  Klaus Linde and al
[2]
Impact of study quality on outcome in placebo-controlled trials of homeopathy”. J Clin Epidemiol 1999 Jul;52(7):631-6
[3]
Are the clinical effects of homoeopathy placebo effects? Comparative study of placebo-controlled trials of homoeopathy and allopathy” The Lancet 2005; 366:726-732
[4]
Milazzo S, Russell N, Ernst E. « Efficacy of homeopathic therapy in cancer treatment ».Eur J Cancer. 2006 Feb;42(3):282-9
[5] Altunç U, Pittler MH, Ernst E.« Homeopathy for childhood and adolescence : systematic review of randomized clinical trials ». Mayo Clin Proc. 2007 Jan;82(1):69-75
[6]
Beecher HK. (1955). The powerful placebo. JAMA, 159, 1602-1606
[7]
Haas H, Fink H, Härtfelder G. (1959). Das Placebo Problem. Fortschritte der Arzneimitteforschung, 1, 279-454.
[8]
Hrobjartsson A, Gotzsche PC. Is the placebo effet powerless?   N Engl J Med 2001, 344, 1594 - 1602
[9]
François Boureau, Christian Guy Coichard, La lettre de l’institut UPSA de la douleur N° 19 – octobre 2003.
[10] D’où l’idée du Dr JJ Aulas d’utiliser un placebo « avoué » dans les rares cas où l’utilisation d’un placebo peut se justifier.
[11]
Le recours aux médecines non conventionnelles est parfois le premier pas sur le chemin des sectes guérisseuses.





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