Un mal qui répand la terreur,
Mal que le ciel, en sa fureur,
Inventa pour punir les crimes de la terre.
(Les animaux malades de la peste)
En mai 90 on apprend qu'un chat est mort d'Encéphalite Spongiforme et on comprend que la barrière des espèces peut être franchie. Ceci entraîne, presque immédiatement, en France, l'interdiction des farines de viande dans l'alimentation bovine. Et pourtant, les bêtes trouvées aujourd'hui porteuses de la maladie sont nées après 90. Elles ont donc été nourries en contradiction avec la loi... Si on se tourne vers les éleveurs, ceux-ci répondent, la main sur le cœur, que jamais, non jamais, ils n'ont confondu la mangeoire des vaches avec celle des cochons. Et ils passent la «patate chaude» aux fabricants de farines, qui n'indiquent, parait-il pas très bien, la composition de leurs produits. Ceux-ci protestent à leur tour de leur bonne foi, et pointent un doigt accusateur vers les politiques, qui auraient laissé importer des farines anglaises très bon marché - et pour cause - afin de ne pas vexer les Britanniques au moment de la mise en place du marché unique (période 91-93). On pourrait continuer longtemps... Ce sera à la justice de trancher. De dire s'il y a eu des erreurs, des fraudes, des insuffisances, dans cette période charnière qui a donné lieu à ce qu'on appelle pudiquement les contaminations croisées.
C'est en 1994 qu'apparaissent les premiers cas de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) qui, on le sait aujourd'hui, découle parfois de la consommation de viande bovine contaminée par l'ESB.
En 1996, du fait des contaminations croisées constatées et les connaissances sur le prion ayant suffisamment progressées, la fabrication de farines de viande est soumise à des conditions très strictes qui éliminent, en principe, toute possibilité de transmission (133 °C et 3 bars pendant 22 minutes sur des particules de 50 mm max). Bien sûr, ceci ne préjuge pas des conséquences à venir de contaminations effectuées dans la période la plus risquée entre 1986 et 1996.
De toute façon, depuis 1996 la possibilité de contamination est, en principe, voisine de zéro. Les bovins ne doivent plus consommer de farines de viandes et si quelques éleveurs malhonnêtes leurs donnent des aliments pour porcs ou poulets, ceux-ci sont de toute façon sécurisés et uniquement fabriqués à partir de carcasses propres à la consommation humaine. Il faudrait donc, pour imaginer le pire, qu'il s'agisse de farines importées d'un pays actuellement indemne de la maladie, mais où celle-ci se déclarerait ultérieurement. Encore le risque serait-il pratiquement nul puisque le prion ne se retrouve pas dans les parties livrées à la consommation. Dans certaines peuplades primitives atteintes d'une maladie a prion, lors de rites funéraires, les cadavres étaient consommés par la famille. Aux hommes le muscle, aux femmes le cerveau. Jamais les hommes ne furent contaminés, alors qu'on ne bénéficiait pas, en ce cas, de la barrière des espèces. En clair, la consommation de bœuf est «objectivement» sans risque. Le vrai risque aujourd'hui est de se faire renverser par une voiture en sortant de chez le boucher.
Les hasards du calendrier font que se superposent en cette fin d'année 2000 les perspectives des élections municipales, présidentielle et syndicales. Les deux têtes de l'exécutif passent à la cohabitation «vacharde», les maires cèdent à la moindre pression populaire pour sauver leur siège et les responsables syndicaux doivent se faire reconnaître comme les meilleurs défenseurs de la profession. Que la FNSEA prône l'abattage des vaches pour permettre, sans doute, l'écoulement d'un bétail invendable indemnisé à prix raisonnable et soutenir les cours de la viande et la Confédération Paysanne en profite pour la ridiculiser... C'est de bonne guerre. L'électeur reconnaîtra les siens et que vive longtemps la démocratie.
Dans ce contexte, fort peu favorable aux raisonnements objectifs, peut-on compter sur les médias pour faire la part des choses ? Hélas non ! De même que l'affaire du Watergate avait fait naître des générations d'enquêteurs politiques, le scandale du sang contaminé a généré des vocations de journalistes d'investigations bien décidés à «sortir» une nouvelle affaire de santé. Les 2 morts de la vache folle valent-ils mieux que les 8000 victimes annuelles de la violence automobile (parmi 65 000 accidents corporels ). Dans le premier cas, les images ne sont jamais trop crues et l'agonie a lieu presque en direct, alors que les campagnes de sécurité routière se doivent d'être «soft». Pas d'agressivité surtout, tout doit être suggéré... L'enfant fauché au sortir du collège par un chauffard ivre a-t-il mérité son sort ? Quant au cycliste condamné au fauteuil roulant par un fanatique de la vitesse, n'intéresse-t-il personne ? Il est vrai qu'il n'y a pas là de beaux coupables à clouer au pilori. Le chauffard, c'est vous, c'est moi, c'est nous tous. Quant à l'alcool, c'est culturel n'est-ce pas.
Malgré le contexte politique, malgré les médias plus préoccupés d'intérêt personnel que de bien collectif, pour que monte la pâte, il faut un ferment. Ce ferment, c'est le doute, introduit patiemment depuis des années par les prophètes de la «bonne bouffe», sur la sécurité alimentaire.
Donner aux bovins un complément de protéines sous forme de farines serait «contre nature». Et c'est parce que nous aurions offensé la déesse «terre» que le ciel, «en sa fureur» nous aurait envoyé ce «mal». Bel argument. Depuis que «l'homo erectus» s'est dressé sur ses jambes, il n'a cessé de lutter contre la nature. L'outil, c'est «contre nature». La greffe, l'hybridation, c'est «contre nature». A entendre certains, il faudrait condamner l'agriculture intensive cause de tous nos maux. C'est avoir la mémoire bien courte. En 1945, la France sort de la guerre, épuisée, déficitaire en produits alimentaires. On assigne à l'agriculture une double mission : parvenir à l'autosuffisance et si possible, exporter pour équilibrer la balance du commerce extérieur. Grâce aux efforts de la recherche agronomique et à la modernisation des moyens de culture notre pays est aujourd'hui, dans ce domaine, le 2e producteur et le 2e exportateur mondial. L'affaire ne s'est pas faite sans douleur. Les sympathiques percherons ont laissé la place aux tracteurs, le remembrement a modifié le paysage et nombre d'agriculteurs ont dû émigrer vers les villes. Certes, aujourd'hui, est venu le temps de la surproduction et il aurait sans doute fallu depuis quelques années «modérer les feux», mais on n'arrête pas sur place un paquebot lancé à toute vapeur. Est-ce une raison pour vouloir le couler ?
Ce n'est pas l'agriculture intensive qui doit être condamnée, mais ses excès et ses dérives: l'utilisation d'activateurs de croissance (voir encadré) dans l'alimentation animale, l'extension incontrôlée et souvent illégale des élevages hors sols, l'épandage de doses excessives d'engrais et de pesticides... L'avenir est à une agriculture «raisonnée» , c'est à dire à la fois capable d'intégrer sans réticences dogmatiques les progrès de la science et de préserver une consommation de masse de qualité raisonnable tout en respectant l'écosystème. Qui pourrait sérieusement regretter le passé ? Qui pourrait regretter le temps ou trois générations survivaient sur 6 hectares de bocage et où une enfant de 10 ans passait ses journées à faire paître 2 vaches et 3 chèvres sur les bordures des chemins communaux...
Les activateurs de croissance sont, en fait, des antibiotiques qui, en contrôlant la flore intestinale des animaux d'élevage (poulets en particuliers) permettent d'obtenir plus rapidement, donc à meilleur prix, des animaux commercialisables. Un poulet élevé à l'aide d'activateurs de croissance est commercialisé en 41 jour à un prix de l'ordre de 17F le kilo, alors qu'il faut compter entre 32F et 42F pour une volaille élevée naturellement. Le Comité Scientifique Directeur de l'Union Européenne a suspendu l'utilisation de quatre antibiotiques (le bacitracyne de zinc, le virginiamycine, la phosphate thylosine et la spiaramycine) sur les huit autorisés comme facteur de croissance dans l'élevage des animaux, depuis le 1er juillet 1999. Les activateurs les plus courants actuellement, avilamycine et flavophospholypol ne sont pas utilisés en médecine humaine, mais on craint qu'ils posent des problèmes de développement de résistances dans la même classe de médicaments.
«Il faut accepter de payer le prix» déclarent doctement les producteurs «bio» sans se préoccuper de savoir si ce prix est vraiment justifié (voir encadré). Et c'est ce que feront, pour leur plus grand profit, les plus favorisés. Et les autres ? Ceux qui vivent avec le SMIC ou survivent avec les minima sociaux, auront le choix entre mettre en péril l'équilibre financier familial et vivre dans la culpabilité permanente de présenter à leurs familles une nourriture (supposée) douteuse, pour ne pas dire dangereuse. Où est le temps où un petit épicier de Landerneau fondait une chaîne de magasins pour permettre au plus grand nombre d'accéder à la consommation ?
«Certains prophètes entretiennent avec délice le spectre du désastre alimentaire permanent, en remuant quotidiennement du prion, de la listeria, du maïs transgénique, du plomb, de la dioxine, des antibiotiques, etc. (...) Le "chimique" est toujours haut placé dans la gamme des horreurs et "l'anti-chimique" est présenté comme la panacée! (...) Doutes et réalités ne sont peut-être pas là où on les attend! (...) On doit objectiver les dangers potentiels d'une tendance portant le nom attrayant d'agriculture "biologique". Cette agriculture volontairement "anti-chimique" est-elle sans danger? Les produits utilisés pour enrichir ses sols sont des préparations "naturelles", mais incontrôlables, comme le fumier, les fientes d'oiseaux (guano), des composts forestiers, des sous-produits d'huileries (tourteaux), des sous produits animaux (os, corne, sang), etc. : le risque ancien de transmission de maladies parasitaires ou microbiennes par les excréments se double aujourd'hui d'un danger de transmission de virus ou de prions.
(...) On sait aussi que la composition en nutriments des produits issus de l'agriculture biologique n'est pas originale : l'allégation de "meilleure santé" n'a donc aucun fondement scientifique.
(...) Les insecticides "naturels" (comme la nicotine, la roténone, le pyrèthre) ou des extraits d'algues, de préles, d'orties, etc., ne sont peut-être pas toxiques, mais il n'est nullement assuré qu'ils ne le soient pas : seules des recherches approfondies, chez l'homme, révéleraient leur innocuité éventuelle .
(...) L'agriculture biologique ne répond aujourd'hui qu'à une obligation de moyens, et non de résultats...»
Le site ESB du Ministère de l'agriculture->http://www.agriculture.gouv.fr/esbinfo.htm
http://www.agriculture.gouv.fr/esbinfo.htm->http://www.agriculture.gouv.fr/esbinfo.htm
La vache folle en ligne avec l'INRA->http://www.inra.fr/Internet/Produits/dpenv/vchfol00.htm
http://www.inra.fr/Internet/Produits/dpenv/vchfol00.htm
Le comité national de sécurités sanitaire->http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/cnss/index_cnss.htm
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/cnss/index_cnss.htm
L'Agence de Sécurité Sanitaire des produits de santé->http://agmed.sante.gouv.fr/
http://agmed.sante.gouv.fr/