La France a, plus que jamais, besoin de scientifiques et techniciens
Nous
assistons à une évolution inquiétante des relations entre la société française et les sciences et techniques. Des minorités constituées autour d'un rejet de celles-ci tentent
d'imposer peu à peu leur loi et d'interdire progressivement tout débat sérieux et toute expression publique des scientifiques qui ne partagent pas leurs opinions. L'impossibilité de
tenir un débat public libre sur le site de stockage des déchets de la CIGEO (Le site souterrain de stockage des déchets hautement radioactifs proposé par l’ANDRA) est l'exemple le
plus récent de cette atmosphère et de ces pratiques d'intimidation, qui spéculent sur la faiblesse des pouvoirs publics et des élus.
De plus en plus de scientifiques sont pris à partie personnellement s’ils osent aborder publiquement et de façon non idéologique, des questions portant
sur les OGM, les ondes électromagnétiques, les nanotechnologies, le nucléaire, le gaz de schistes ¦.Il devient difficile de recruter des étudiants dans les disciplines concernées
(physique, biologie, chimie, géologie). Les organismes de recherche ont ainsi été conduits à donner une forte priorité aux études portant sur les risques, même ténus, de telle
ou telle technique, mettant ainsi à mal leur potentiel de compréhension et d'innovation. Or c'est bien la science et la technologie qui, à travers la mise au point de nouveaux
procédés et dispositifs, sont de nature à améliorer les conditions de vie des hommes et de protéger l’environnement.
La France est dans une situation difficile du fait de sa perte de compétitivité au niveau européen comme mondial. Comment imaginer que nous puissions
remonter la pente sans innover? Comment innover si la liberté de créer est constamment remise en cause et si la méfiance envers les chercheurs et les inventeurs est généralisée, alors
que l’on pourrait, au contraire, s’attendre à voir encourager nos champions ? Il ne s'agit pas de donner le pouvoir aux scientifiques mais de donner aux pouvoirs publics et à nos
concitoyens les éléments nécessaires à la prise de décision.
Nous appelons donc solennellement les médias et les femmes et hommes politiques à exiger que les débats publics vraiment ouverts et contradictoires
puissent avoir lieu sans être entravés par des minorités bruyantes et, parfois provocantes, voire violentes. Il est indispensable que les scientifiques et ingénieurs puissent
s’exprimer et être écoutés dans leur rôle d’expertise. L’existence même de la démocratie est menacée si elle n’est plus capable d’entendre des expertises, même contraires à la pensée
dominante.
Robert Badinter, ancien Ministre, ancien Président du Conseil Constitutionnel
Jean Pierre Chevènement, ancien Ministre de la Recherche et de la Technologie, ancien Ministre de la Recherche et de l'Industrie, ancien Ministre de l'Education Nationale.
Alain
Juppé, ancien Premier Ministre
Michel Rocard, ancien Premier Ministre