Il y a quelques jours, je suis allé à la pharmacie. Rien d’extraordinaire me direz-vous !
Certes non, mais ce qui l’est plus c’est ce que j’ai découvert sur le comptoir lorsque je m’en suis approché.
Bien en vue, scotchée avec soin, à un endroit tel que nul ne pouvait y échapper, figurait une annonce intitulée « Nutrition et Bio» et qui précisait en grosses lettres : « NOUVEAUTÉ bracelet EFX Venez le tester GRATUITEMENT».
J’ai attendu le retour de la pharmacienne qui s’était chargée de mon ordonnance.
« De quoi s’agit-il exactement ? » ai-je demandé en prenant bien soin d’afficher mon air le plus angélique.
« C’est un bracelet qui contient un aimant »
« Ah ! Bon ! Et il sert à quoi » ?
« Il améliorerait la santé, l’équilibre… »
J’arborais alors mon plus beau sourire et pointant un doigt accusateur vers son badge qui précisait « Docteur en pharmacie », je lui dis : « Il vous a fallu toutes ces années d’études pour vendre ce genre d’âneries. À quand les pendules et les boules de cristal ? »
Un peu interloquée, elle tenta de se justifier : « Il y a 2 marques qui en font, mais il parait que celle-ci a fait des études… »
Je lui indiquais alors que je serais heureux de connaître ces études et de savoir dans quels journaux elles avaient été publiées.
Comprenant que je l’entrainais sur des terrains mouvants, elle avoua alors : « En fait, moi, je n’y crois pas. Je ne les conseille jamais, mais je suis obligé de les vendre si on me les demande ». Elle ajouta : « Ce n’est pas moi le patron ».
Ne souhaitant pas l’accabler, je n’insistais pas et la laissait finir de préparer mon ordonnance.
Avant de partir je ne pus m’empêcher d’ajouter malicieusement: « Vous voyez, on commence par vendre de l’homéopathie et on finit dans les bracelets magiques ».
Je n’insisterai pas ici sur la nature de ces bracelets, que Florent Martin, vice-président de l’Observatoire Zététique, interrogé sur le sujet à la télévision comparait à une patte de lapin.
Ceux d’entre vous qui souhaitent approfondir la question peuvent se reporter à l’excellent article de Brigite Axelrad disponible sur le site de l’AFIS.
Le site du distributeur avoue d’ailleurs très naïvement dans un français pour le moins perfectible (je cite textuellement) : « Parce qu'il y a une absence de preuves scientifiques claires pour valider la science derrière les dispositifs bioélectriques thérapeutiques, nous soutenons la FDA et l’opinion de la médecine professionnelle, que les avantages réels doivent être dû au pouvoir de la suggestion, jusqu'à preuve du contraire ». En clair, ils ne contestent pas l’avis des scientifiques ni des organismes compétents qui affirment que cet objet n’a aucun pouvoir spécifique.
J’en vois déjà face à leur ordinateur qui se disent : « Ce blogueur nous raconte des histoires, les pharmaciens sont des scientifiques, ils ont une éthique, un conseil de l’ordre, un code de déontologie. Ils ne vendraient jamais une chose pareille… »
C’est pourquoi, quelques jours plus tard, je suis retourné à la pharmacie et, n’écoutant que mon courage, je suis allé photographier l’affiche concernée. Puis je suis ressorti tranquillement, avant que quelqu’un ait eu le temps de me demander des explications, en saluant poliment la compagnie.
La preuve par l’image.
Le code de déontologie des pharmaciens, dans son article R. 4235-1, indique bien que : « Les dispositions du code de déontologie s’imposent à tous les pharmaciens et sociétés d’exercice libéral inscrits à l’un des tableaux de l’ordre » et précise plus loin dans l’article R. 4235-10 que le pharmacien « doit contribuer à la lutte contre le charlatanisme, notamment en s’abstenant de fabriquer, distribuer ou vendre tous objets ou produits ayant ce caractère... »
Comme quoi certains professionnels de santé pensent que les codes de déontologie sont faits pour être écrits, pas pour être suivis.