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Les pseudo-médecines

Lutter contre la desinformation en matière de science et presenter la réalité des principales medecines non conventionnelles

Publié le par Jean Brissonnet
Publié dans : #Au fil du temps

Samedi dernier, je me suis rendu au colloque du GEMPPI (Association de lutte contre les sectes)  à Marseille.

nathalie de reuckParmi plusieurs communications passionnantes, j’ai été particulièrement intéressé par le témoignage poignant de Nathalie de Reuck auteur de l’ouvrage : « On a tué ma mère ».

Il s’inscrit parfaitement dans ma démarche, destinée à monter combien la pratique de médecines non conventionnelles par d’authentiques médecins est source de confusions.

Ces médecins pratiquent un détournement de diplôme en couvrant de leurs titres des pratiques contestables et parfois dangereuses.

À la fin de son exposé j’ai posé à, Nathalie de Reuck la question suivante : « Si les deux praticiens qui ont suivi votre mère n’avaient pas été médecins, l’histoire aurait elle été la même ? »

Sans la moindre hésitation elle a répondu « Non ».

Tout était dit ! 

Nathalie de Reuck nous a confié qu’en ultime recours elle a fait appel à un autre médecin homéopathe, conseillé par une pharmacienne, dans le but, au vu de son état grave,  de convaincre sa mère d'une hospitalisation urgente. Ce qu'il n'a malheureusement pas fait,  au prétexte qu'en tant que fille unique elle était responsable de son mal. Selon lui, sa mère et elle devaient dénicher le conflit à l'origine du mal pour que celui-ci vienne à disparaître.

Il n'a donc pas jugé nécessaire d'hospitaliser sa patiente et a, de cette manière, cautionné et renforcé davantage les arguments développés par les autres thérapeutes. 

 

À la fin du colloque j’ai demandé à Nathalie de Reuck de bien vouloir m’autoriser à publier des extraits de son exposé.

C’est ce témoignage que je vous invite maintenant à lire. Il est bref et incomplet. Vous pourrez lire la suite dans son ouvrage:

On a tué ma mère ! : Face aux charlatans de la santé

L’aventure n’est pas terminée, car elle continue la lutte avec une énergie admirable.

 

 

Décembre 2005

Maman découvre une petite grosseur au sein gauche. Je m’en réfère à une amie gynécologue qui m’explique les examens à effectuer rapidement. D’après les éléments que je lui transmets il semble évident qu’il s’agit d’un cancer débutant.

Je rapporte à maman le diagnostic de la gynéco qui semble accepter une hospitalisation rapide. Mais quelques jours plus tard elle se rétracte. Son ostéopathe, Luc D., qui vient à domicile depuis plusieurs années pour d’autres ennuis de santé, lui a déconseillé l’hospitalisation. Pour lui, sa grosseur au sein est juste la manifestation d’un conflit qu’il faut résoudre.

Cela fait 10 ans que je m’oppose à cet ostéopathe. Il tient un discours paradoxal qui relève plus de la psychanalyse que de la kinésithérapie.  Pour lui, les relations familiales sont une source intarissable de conflits à l’origine des douleurs physiques de maman.

Je m’inquiète pour elle et souhaite une hospitalisation. Maman veut du temps et déterminer s’il y a une possibilité de la soigner autrement que par des traitements lourds. Elle me rassure. Si la grosseur croit, elle n’hésitera pas un instant à faire les examens préconisés par la gynécologue.

En février 2006 par le biais d’une vétérinaire homéopathe elle entre en contact avec Mme nanette B.  Une thérapeute qui fait des miracles, parait-il. Dans un premier temps je pense qu’elle aussi est docteur car il est question de diagnostic et de traitements. Cette dame travaille en collaboration avec Jean-Marie W. A deux, ils traitent maman par téléphone.

Deux docteurs homéopathes qui la suivent depuis plusieurs mois lui fournissent des granules dont ils refusent de donner la composition mais qui sont censés augmenter les défenses naturelles de l’organisme et diminuer la grosseur au sein.

Cinq personnes s’occupent de maman, et tous tiennent un discours identique. À l’origine du mal, le conflit qu’il faut résoudre. Chacun s’attèle à une tâche.

L’ostéopathe effectue des drainages lymphatiques et travaille les constellations familiales.

Nanette B. prescrit de l’homéopathie, fait des études géo biologiques de la maison.

Jean-Marie W. remonte les énergies, cherche la magie à l’origine du mal, etc.

Tous pratiquent la kinésiologie, recommandent les fleurs de Bach, prescrivent des granules homéopathiques …

Autour de ces thérapeutes, médecins et ostéopathes réguliers, gravitent un tas d’autres thérapeutes occasionnels. Thérapeutes en naturopathie, psycho généalogie, iridologie, énergie des chakras, etc.

Si je m’oppose à leurs idées qui m’apparaissent absurdes, je ne m’inquiète pas outre mesure à ce stade. Après tout, maman est entre les mains de professionnels, entourée de docteurs. « Je veux vivre » me répète maman sans relâche.

Je reste cependant quand même sur mes gardes même si le mal, d’après ma mère, ne semble pas évoluer.

 Fin 2006

Je découvre le sein de maman complètement abîmé. Pour la convaincre d’une hospitalisation j’use d’éléments concrets et pragmatiques. Mais elle s’y oppose complètement usant d’arguments qui m’apparaissent ahurissants et infondés. Si elle souffre, c’est le corps qui se répare. Elle saigne, c’est le mal qui s’échappe. Du pus s’écoule de la plaie, la fièvre augmente, la tumeur prend du volume.. C’est un processus qui mène à la guérison. Toute manifestation physique qu’en médecine traditionnelle on associe à une aggravation de la maladie devient au contraire pour maman le signe d’une rémission.

Je m’interroge sur ces explications enchevêtrées qui m’apparaissent ahurissantes. Tantôt philosophiques, tantôt spirituelles parfois médicales, souvent scientifiques  les propos que maman me tient et qui devraient tendre à m’éclairer m’embrouillent complètement.

L’impression insolite de me trouver face à un ennemi dont je ne connais rien. Tout ce qui fait partie du cadre de référence logique et qui nous est enseigné depuis notre enfance est rejeté et détourné, ce qui rend impossible toute discussion concrète.

Le choix n’est pas discutable. Soit les liens sont rompus, parce que je m’oppose à maman soit je tente de comprendre.

Parmi ces nombreuses annotations découvertes, maman a écrit ceci, trois mois avant son décès

.« Tellement mal, tellement malade. La nuit entière je fixe les murs à subir cette douleur qui ne me laisse aucun répit. Le sein, ce qu’il en reste suinte… Mon bras a encore gonflé. Impression qu’il va exploser. Brûlure partout. À devenir folle. Je sais à peine respirer. J’ai peur. Tout mon être à envie de hurler. Je retiens mes pleurs. Impression de mourir. Jean-Marie W., le thérapeute, m’a dit ‘Ca ne va pas ça mme Starck. Je vous laisse en phase de guérison et je vous retrouve deux jours après aussi bas dans votre énergie de vie. Il y a en vous le BESOIN de se sacrifier ! Vous êtes brimée depuis votre naissance. Laissez exploser vos colères. Votre mari est un tortionnaire. Quittez-le, je vous l’ai déjà dit. Et votre fille aussi ».

Je ne suis  arrivée à la convaincre d’une hospitalisation que bien trop tard. Cela lui a juste permis de se rendre compte, grâce au résultat de la biopsie qui indiquait un cancer, que les thérapeutes et les médecins qui l’entouraient l’avaient leurrée.

Maman est morte dans des souffrances effroyables.  Ses tortionnaires l’y ont emmenée. Un épilogue incompréhensible. Et je n’ai rien pu y faire si ce n’est assister à sa dégradation lente et inéluctable.

La culpabilité qui me tenaillait était à ce point insoutenable que j’ai rapidement cherché à comprendre ce qui avait entrainé ma mère, pourtant combattive et cartésienne, à refuser les soins médicaux qui auraient pu sans conteste la guérir.

À la base de cette dérive il y a ma mère. Qui au-delà des apparences, était en quête de guérison et prête à tout, même à souffrir le martyre pour y arriver. Parce que c’est ce que font croire ces voleurs de chimère, qu’au bout du chemin sur lequel ils la menaient,  après la douleur  il y avait la guérison.

Des maitres de l’illusion qui jouent avec la vie et la mort comme d’autres participent au Lotto. Ils ont détourné ma mère de la vie en usant et abusant de mots mensongers. Il ne s’agissait pas d’un choix délibéré de s’orienter vers de nouvelles techniques en sachant les risques encourus. Non. Elle a été trompée, abusée et c’est ce qui rend le deuil de ceux qui restent particulièrement pénible.

Lors de mes investigations j’ai rencontré, ceux que je nomme les bourreaux de ma mère. Tous, sans exception sont convaincus de l’avoir menée sur le bon chemin. Selon eux, c’était son choix, son destin, sa liberté. « Elle est morte libre, m’a dit l’ostéopathe, en ajoutant que de toute façon, une hospitalisation n’aurait rien changé. Jacqueline selon lui ne souhaitait pas suffisamment résoudre son conflit »

Nanette B. m’a affirmé que cette pauvre femme qui avait énormément souffert avait résolu son conflit, mais que le corps ayant trop trinqué, la mort était inéluctable. Elle a précisé que désormais son corps astral était lumineux et que là où elle était elle revivait une vie nouvelle.

Jean-Marie W., atteint d’une tumeur au cerveau tenait ma mère pour responsable de son cancer « Son énergie négative était trop forte… j’ai tout pris, tout encaissé» m’a-t-il dit peu avant de mourir, en n’oubliant pas d’indiquer que Jacqueline lui était redevable d’une grosse somme d’argent. Il n’a pas eu honte de m’avouer qu’il se faisait traiter dans un des meilleurs hôpitaux

Les deux docteurs homéopathes avaient laissé maman quelques mois avant son décès. Elle refusait de continuer à prendre de l’homéopathie sans en savoir le contenu…

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… Une plainte a été déposée contre les trois thérapeutes de Jacqueline. L’ostéopathe, Nanet B et Jean-Marie W.

Maman avait enregistré quelques une des conversations téléphoniques. Pas dans le but de leur nuire, mais pour accélérer le processus de guérison en se remémorant ainsi les conseils prodigués. Si celles-ci ne constituent pas un élément de preuve elles servent toutefois à éclairer la justice sur le contenu de certains dialogues.

 Une plainte… Pour un processus de reconnaissance diraient certains. Je dirais plutôt pour tenter en rendant publique la problématique de les empêcher de nuire encore.

Le processus judiciaire se révèle pénible et si bon nombre de proches de victimes ne s’y résolvent pas ce n’est pas par lâcheté mais parce qu’ils ont le droit de vivre leur peine dans le respect.

Déposer une plainte c’est se positionner en coupable. C’est admettre qu’on a failli et que ça a couté la vie à la personne qu’on aimait. C’est devoir se justifier devant la justice, devant les autres et espérer qu’ils comprennent ce que nous-mêmes nous avons du mal à comprendre. Apporter des preuves, des éléments probants qui étayent nos accusations mais dont la plupart des proches sont dépourvus.

C’est affronter un nouveau combat à armes inégales, parce que si pour les thérapeutes il s’agit d’argent et de réputation pour nous cela touche à l’essentiel, la perte d’un être cher...

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…Construire un dossier n’est pas aisé pour les victimes. Les enquêteurs, les magistrats qui sont formés pour juger sur des éléments concrets sont confrontés, dans ces cas-ci, à de l’abstrait, rendant d’autant plus complexe l’analyse des dossiers.

Par exemple, lorsque les enquêteurs ont entendu l’ostéopathe de Jacqueline, ils n’ont trouvé aucun élément compromettant. Toute la journée a pourtant été consacrée à son audition. L’ostéopathe s’est montré coopératif.

Il expliquait qu’à l’origine de toute maladie il y avait un conflit. Que le cancer nous en faisions tous plusieurs fois par an sans nous en rendre compte pour autant. Que les métastases n’existaient pas, etc. Un discours qui relève clairement de la médecine nouvelle germanique. Mais les enquêteurs se sont avoués complètement désarmés devant de tels propos. « Vous comprenez ? On n’est pas médecin. Ces affirmations sont peut-être exactes » me confiaient-ils le soir même.

Ma plainte déposée il y a plus d’un an est toujours à l’instruction. Une enquêtrice est en charge, en plus d’autres dossiers, de retranscrire toutes les K7  des conversations enregistrées entre les thérapeutes et ma mère et les agendas qu’elle tenait journellement. Un des thérapeutes,Jean-Marie W. celui dont je possédais le plus d’éléments à charge est décédé au printemps. Les poursuites à son encontre sont donc interrompues.

L’ostéopathe continue à exercer à Bruxelles et Nanette B. en France dans le Périgord. D’autres victimes tombent sous leur joug sans que la justice n’intervienne.

Faute d’éléments, de temps peut-être aussi ou de volonté de la part du magistrat en charge, aucune commission rogatoire n’a encore été ordonnée.

Face à ses difficultés, on comprend mieux les raisons qui poussent les familles des victimes à se taire. Parce qu’à tout cela, il faut aussi préciser qu’un procès requiert une implication financière  particulièrement lourde et une issue incertaine…

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… Les chroniqueurs qui s’intéressent au sujet sectaire s’engagent peu dans leur position. Les débats, les magazines d’investigation s’attachent à donner une version soft de la problématique et refusent de se positionner en dénonçant réellement les risques de certaines méthodes alternatives. C’est principalement à travers les voix des proches des victimes qu’ils dénoncent les faits.

Sans compter que parmi eux, comme en politique ou ailleurs on découvre des propagandistes zélés qui se veulent le relais de ces méthodes qu’ils cautionnent.

Les médias, tant de la presse écrite que visuelle relayent en quantité foisonnante les multiples bienfaits des stages, conférences, reliés aux pratiques alternatives.

 Il n’y a pas un magazine féminin qui ne cite  Âyurveda comme cure d’amaigrissement ou qui ne fasse allusion à l’homéopathie, à la psychogénéalogie ou  aux théories du conflit, chaque semaine.

 Chakras, énergie, centres vitaux, corps astral, prennent place dans le langage populaire et reculent les limites de l’illusion. Un jargon chimérique qui se banalise…

                                                                                   Nathalie De Reuck  GEMPPI    octobre 2010

                                         

 

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