J'ai écrit en 2003, il y a déjà bien longtemps, un premier livre intitulé « les pseudo médecine – un serment d'hypocrites » . Au chapitre traitant de l'homéopathie j'évoquais la présence de nombreux médecins homéopathes au sein des sectes guérisseuses. J'écrivais en particulier : « deux autres homéopathes adeptes de la secte S ont été jugés pour homicide involontaire. Leur patiente souffrait d'une tumeur à la main elles ont été soignées par des harmonisations et des traitements homéopathiques préparés spécialement par le laboratoire T. La première, XX a déjà été radié de l'ordre des médecins pour faute grave et pour pratiques charlatanesques dont ont été victimes un malade du sida et de femmes souffrants de cancer ». J'avais à l'époque cité clairement le nom de cette homéopathe, car de nombreux articles de journaux confirmaient ces propos et les faits de l'époque en prouvaient l'incontestable réalité.
Ce n'est que bien des années plus tard le 6 janvier 2017 que j'ai reçu un courrier recommandé de Madame XX mettant en cause le paragraphe ci-dessus.
Elle affirme alors :
« – je ne suis pas radiée de l'ordre des médecins ( elle joint d'ailleurs en copie sa carte de médecin pour 2015 et 2016).
– Deux décisions de justice ont été rendues… j'ai été relaxé de toute responsabilité dans ces mises en cause. »
La lettre se termine évidemment par les habituelles menaces me mettant en demeure de supprimer « dans un délai de 30 jours le passage me concernant sur votre site Web et de supprimer également ces propos dans votre livre… Faute de quoi j'engagerai des poursuites pour diffamation».
Je lui ai répondu immédiatement et fort aimablement en lui disant : «Afin de répondre à votre demande, au moins de manière provisoire, j'ai supprimé de mon site le passage qui vous concerne et j'ai demandé à mon éditeur de suspendre momentanément la vente du e-book », non sans ajouter « Cependant, je me réserve le droit d'enquêter sur la réalité des faits. »
Ces faits, les voici!
Je me contente de les tirer directement des motifs de la comparution de XX devant la 16e chambre du tribunal de grande instance de Paris et contenus dans le jugement du 16 janvier 2004 .
« Il est établi et non contesté que XX avait adhéré à l'association S... »
« Plusieurs plaintes aussi bien auprès de différents parquets qu'auprès du conseil de l'ordre des médecins étaient déposées à l'encontre de XX »
Suit un triste inventaire que je résume rapidement :
1) une plainte par un malade « atteint du virus HIV », à la suite de laquelle le conseil de l'ordre des médecins avait le 23 mars 1996 prononcé la radiation de NS en indiquant dans ses motivations :
- que le docteur XX « était dotée d'un exceptionnel charisme au service d'une volonté délibérée de mainmise sur le malade exclusive de toute autre velléité de manifestations thérapeutiques en l'espèce.»
– « Qu'elle avait manqué de tact et de mesure dans les honoraires en utilisant [ ... ] des procédés assimilables au charlatanisme ».
– « Qu'elle avait poussé son patient dans l'association S ».
2) une plainte pour « non-assistance à personne en danger » par les parents d'une jeune fille décédée « enrôlée dans l'association S suite à l'évolution de sa tumeur maligne de la main » et qui exclusivement suivie par la secte n'était pas revenue voir son praticien pendant trois ans.
3) une plainte déposée par le mari d'une patiente décédée d'un cancer du sein auprès du conseil départemental de l'ordre des médecins
Le tribunal a bien sûr demandé une expertise médicale auprès de trois médecins experts et leurs conclusions ont été les suivantes :
- Pour le premier cas, ils constatent une « méconnaissance complète du traitement de l'affection à HIV », mais déclarent « qu'il n'existait pas de faute caractérisée même si la prise en charge thérapeutique était de mauvaise qualité ». On croit rêver ! Même le moins informé des citoyens savait déjà à cette époque que le sida ne se soigne pas à l'homéopathie.
- concernant le cas de la tumeur maligne à la main ayant abouti à décès, ces experts considèrent qu'on « avait appliqué une thérapeutique totalement inefficace et quasiment charlatanesque, mais n'ayant eu en elle-même aucune conséquence quant à l'évolution de l'état de cette patiente qui avait déjà suivi des soins classiques pendant 7 ans ». Il semble donc que le fait d'avoir reçu d'abord des soins classiques puis d'avoir été la proie d'un médecin incompétent exonère celui-ci de toute responsabilité dans la mort du patient! Qu'on se le dise!
- quant au cas de la patiente qui souffrait d'un cancer du sein ayant récidivé par un nodule ils admettent que « les soins apportés […] par le docteur XX avaient retardé le traitement d'une récidive locale et générale du cancer dont est décédée cette patiente ». « Elle n'avait pas apporté de soins consciencieux attentifs et conformes aux données de la science. De ce fait, elle était à l'origine d'un retard important de traitement et donc d'une dramatique perte de chance de survie pour cette patiente ».
Le tribunal après avoir invoqué « les champs respectifs de la causalité directe et de la causalité indirecte », disserté des « faits de la cause », invoqué « un contexte particulier » et rappelé que les trois experts commis « se sont en réalité tenus à reprocher [à XX] d'avoir concouru par ses errements à une perte de chance quant à sa survie » ce qui ne permet pas « d'établir un lien de causalité certain entre la faute et le décès » décide qu'il « convient en conséquence à relaxer XX des fins de la poursuite même si le dossier révèle à plusieurs reprises le bien-fondé de sa radiation définitive de l'ordre des médecins. »
On touche avec cette dernière phrase à des éléments essentiels
D'abord, la vérité scientifique ne s'établit pas dans les prétoires. Un tribunal ne peut juger que sur des faits concrets et avérés or ce qui se passe dans le secret d'un cabinet médical ne peut pas être connu autrement que par les récits du praticien et du patient. Il est donc le plus souvent impossible de présenter des preuves matérielles. C'est parole contre parole! Les juges montrent bien qu'ils ne sont pas en état de condamner l'accusée, mais qu'ils sont fort satisfaits de sa radiation qu'ils croient « définitive ». Nous reviendrons plus loin sur ce dernier mot.
Ensuite parce qu'il existe chez les médecins (comme dans de nombreuses autres professions) un incontestable esprit de corps et que les trois experts qui ont été commis par le tribunal pourraient facilement être accusés par des esprits mal intentionnés (ce que je ne cautionne évidemment pas) d'avoir été pris dans un conflit de confraternité. Les tergiversations embarrassées de leurs dépositions diffèrent en effet clairement des termes utilisés dans les motivations du conseil Régional de l'ordre qui ont conduit à une double radiation de XX.
En effet préalablement à ce jugement, les 23 mars 1996 et 11 mars 1997, le docteur XX avait été radiée par deux fois.
En 1996 le conseil régional de l'ordre d'Île-de-France avait décrété que : « considérant qu'après audition des parties et examen des pièces figurant au dossier, il est constant que les faits relevés sont contraires à la probité et à l'honneur [...] qu'il échet en conséquence de sanctionner le médecin en cause de la peine de radiation ». L'accusé avait alors faire appel!
Mais dès 1997 le même conseil régional vu la plainte déposée par le conseil départemental de la Ville de Paris déclarait à propos d'un autre cas « que Madame le docteur XX s'est rendu coupable de pratiques charlatanesques ; il s'agit là de récidive ; qu'elle porte en partie la responsabilité du décès prématuré de sa patience, que ces faits prouvés, méritent la sanction la plus sévère à laquelle la juridiction ordinale puisse la condamner» et avait prononcé « la peine de radiation ».
Je n'en rapporterai pas ici textuellement le détail des attendus contenus dans ces deux décisions afin de préserver les âmes sensibles et de ne pas désespérer les partisans des médecines non conventionnelles.
Je tiens à faire remarquer ici l'attitude remarquable des Conseils du l'ordre départemental de la Ville de Paris et du Conseil régional de l'Île-de-France de l'époque qui ont fait preuve en l'occurrence d'une rigueur en tous points respectable.
Revenons maintenant en 2017 ! De l'eau a passé sous les ponts ! Il est parfaitement évident qu'une personne qui a purgé sa peine (la radiation) a droit à l'oubli de ses dérives passées. Nous ne sommes plus ni en 1996, ni en 1997, ni en 2003 (date de parution de mon livre). Alors, pourquoi cette personne souhaite-t-elle faire disparaître son passé et surtout comment peut-elle encore être en possession d'une carte de médecin ? Une radiation n'est pas une simple suspension et pour le naïf que je suis il y a là une contradiction que je me suis efforcé d'éclaircir.
La vérité est que le docteur XX n'est pas « rangé des affaires ». Elle possède un site Internet et a même publié un livre sur lequel elle fait la promotion d'une nouvelle médecine qui a de quoi se faire tordre de rire n'importe quel physicien. C'est parfaitement son droit, si elle n'utilise pas pour ce faire l'autorité de son titre de médecin. Sur son site on peut lire: « Le Docteur XX n’est pas une personne vindicative, elle croit en l’amour, en l’homme. Lorsque l’on sort des ornières, lorsque l’on ose sortir du cadre, on a souvent contre soi des énergies malfaisantes, nuisibles. » À l'évocation de ces énergies malfaisantes et nuisibles, j'avoue m'être senti légèrement concerné. Pourtant, jusque-là, rien à dire ! Chacun a le droit de prétendre appliquer à la médecine des théories que les spécialistes eux-mêmes ont parfois bien du mal à maîtriser.
La suite est plus problématique lorsqu'elle affirme : «Le Dr XX a été brièvement suspendue comme le prévoit la procédure lorsqu’un médecin est mis en cause dans une affaire de justice. Elle n’a jamais été radiée . »
Comment peut-on avoir été radiée définitivement par deux fois, être à nouveau en possession d'une carte de médecin et pouvoir écrire publiquement que l'on n'a jamais été radiée.
Pour avoir la réponse à ces questions je me suis d'abord adressé au conseil départemental de la Ville de Paris qui m'a fait savoir qu'il ne possédait plus le dossier de l'intéressé lequel avait été transmis à l'ordre d'un département du sud-est de la France où elle résidait actuellement.
J'ai donc contacté cet ordre départemental, j'ai exposé cette apparente contradiction ajoutée au fait que je n'avais pas trouvé le nom de cette praticienne sur le site du Conseil national et surtout j'ai demandé à être reçu. La réponse, fort brève m'a informé que le docteur XX « est inscrite au tableau […] en qualité de médecin retraité. Elle n'apparaît donc pas sur annuaire en ligne du Conseil national des médecins qui ne recensent que les médecins en activité ». Aucune réponse à ma demande d'entrevue, aucune réponse à cette radiation définitive ... qui ne semblait plus être définitive !
Devant cette visible mauvaise volonté à me fournir les explications que je désirais je me suis donc adressé au Conseil national de l'ordre des médecins auxquels j'ai posé le même genre de questions. Il s'en est suivi un échange de plusieurs courriers avec un interlocuteur qui pratiquait à merveille l'art de l'esquive et au cours duquel j'ai dû faire preuve d'insistance pour obtenir les réponses suivantes : « un médecin qui a été radié disciplinairement peut bénéficier d'un relèvement d'incapacité passé un certain délai » (il était précisé que la chose était possible : « après qu'un intervalle de trois ans au moins s'est écoulé… ») et « le docteur XX est en situation régulière d'exercice ». La dernière lettre se terminait par ces mots : « telles sont les précisions que je peux vous apporter ». Visiblement c'était le point final ! J'avais agacé l'Ordre des médecins en cherchant des informations sur une collègue. Sur le fait qu'elle puisse aujourd'hui arguer qu'elle n'a jamais été radiée, pas de réponse et pas non plus la moindre intervention puisqu'un an s'est écoulé et que le site Internet de XX porte toujours les mêmes affirmations mensongères.
Que ceux qui défendent la pratique de certaines médecines non conventionnelles par des médecins sous prétexte de sécurité, réfléchissent bien à la lecture de cet exemple. Il est clair que si les mêmes actes avaient été commis par une citoyenne ordinaire elle n'aurait pas eu droit à une expertise médicale complaisante (les médecins sont particulièrement virulents vis à vis de ceux qui se risquent sur leur domaine ), le tribunal n'aurait pas pu se retrancher derrière l'ordre des médecins et il est plus que probable que sa décision n'aurait pas été la même.
Pour que cela cesse, signez et faites signer la pétition "pour que cesse l'ambiguïté des pratiques médicales"
C'est ici: https://chn.ge/2H80W0A